L’édification de la Lumière
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Deux siècles et demi après la fin du Moyen-Âge, le siècle des Lumières entamait ce passage de l’obscurantisme à une ère de la connaissance. Mais qu’en est-il désormais de notre connaissance de la lumière, celle qui inonde les nuits urbaines et illumine les châteaux forts d’aujourd’hui ? Quel discours peut-on tirer de l’illumination des lieux de la finance et des tours de bureaux ? Prestige ou vestiges en devenir ? À travers une recherche plastique épurée faisant disparaître la structure même des édifices, je désire révéler cette édification de la lumière comme sujet. Un sujet non pas éclairé, mais éclairant, produisant un discours dont on ne mesure pas toujours la portée et qui disparaît derrière son caractère d’évidence : les buildings éclairent les villes la nuit. Pourtant, au-delà de cet aspect sécurisant de la lumière, la manière dont le flux lumineux s’organise à travers de multiples sources individuelles entrecoupées, qui se superposent sans se toucher, produit un code visuel empreint de mystère, un langage parfois plus inquiétant que réconfortant, puisqu’il induit la séparation et impose la hiérarchisation. Cet étagement de traits et de points lumineux est-il une métaphore de la pixellisation du social ? Que se cache-t-il donc derrière cette débauche de lumens en l’absence de l’humain ? Mon champ d’exploration a pour horizon ce langage de lumière parlé par les édifices en l’absence de leurs occupants. Une langue que l’objectif révèle comme s’il s’agissait d’une forme de code morse, des traits courts ou prolongés de lumière, dont il convient de décrypter le sens à travers son indéniable plasticité. Ce discours ouvre aussi la porte à une recherche documentaire extrapicturale qui relie par exemple aux images les enjeux énergétiques et sociaux des édifices. La fonction émettrice des édifices la nuit a-t-elle pour corolaire la fermeture de leurs portes et une sécurité qui interdit par ailleurs toute intrusion ? La part narrative du projet aura pour fonction d’ouvrir aux différentes interprétations possibles, de sensibiliser l’imaginaire collectif à ce langage de la lumière qui fascine à différentes échelles au point où l’on se demande parfois ce qui distingue l’être humain d’un papillon qui virevolte sous l’abat-jour d’une lampe.
Projet réalisé grâce à une bourse du Conseil des arts du Canada.
Texte de Jérôme Langevin, d’après une idée original de Thierry du Bois.